Octave-Auguste, aidé de son ami Mécène (Caius Cilnius Mæcenas) , un homme riche qui a consacré sa fortune à soutenir des artistes, commande des oeuvres à sa gloire, le tout en respectant toujours la noblesse des arts.
Parmi les écrivains qui ont entouré le Prince, les plus célèbres sont Horace et Virgile. A Virgile, il commande une épopée sur le peuple romain, qui sera l'Enéide (voir article http://moveredocereplacere.fr/index.php/langues-et-cultures-de-l-antiquite/40-la-poesie-homerique-et-virgilienne-les-epopees-antiques) et dans laquelle le règne d'Auguste est présenté comme l'avènement logique de la grandeur de ce peuple. Vénus, la mère d'Enée obtient de Vulcain qu'il forge des armes pour son fils. Le poète décrit ainsi le bouclier d'Enée :
C'était l'histoire de l'Italie et les triomphes des Romains ; instruit des prophéties, pénétrant les âges futurs, le maître du feu les avait gravés là, et aussi toute la race de ceux qui sortiraient d'Ascagne, et dans leur ordre les guerres et leurs combats. Il montrait aussi dans l'antre vert de Mars la louve couchée à terre ; elle venait de mettre bas ; à ses mamelles deux enfants suspendus jouaient, tétaient leur mère sans effroi ; elle, tournant vers eux son cou arrondi, les caressait tour à tour et façonnait leurs corps de sa langue. Non loin de là, il avait placé Rome, les Sabines enlevées d'insolite manière, sur les gradins de l'amphithéâtre, au cours de grands jeux dans le Cirque, et soudain c'était une guerre d'un nouveau genre qui s'élevait pour les Romulides, pour le vieux Tatius et l'austère cité de Cures.
On retrouvait ensuite les mêmes rois qui avaient renoncé à la lutte : ils se tenaient debout en armes devant l'autel de Jupiter, la coupe en mains, et concluaient leur alliance en sacrifiant une truie. Non loin de là, des quadriges lancés en sens contraire avaient écartelé Mettus — mais tu devais, Albain, rester fidèle à ta parole ! —, Tullus traînait par les bois les quartiers du parjure et les buissons épars dégout¬taient de sang. Ailleurs, Tarquin avait été chassé, Porsenna donnait ordre de le recevoir et assiégeait la ville avec un appareil démesuré : pour garder leur liberté, les Enéades aux armes se ruaient. On pouvait voir le roi avec tous les traits d'un homme indigné et menaçant parce que Coclès osait rompre le pont, parce que Clélie, ses chaînes brisées, se jetait à la nage dans le fleuve. À cette vue, l'Apollon d'Actium tendait son arc, d'en haut ; tous alors, épouvantés, l'Égypte, les Indiens, les Arabes tous ensemble, tous les Sabéens s'enfuyaient. La reine elle-même appelant les vents semblait mettre à la voile et déjà de plus en plus lâcher les cordages. Au milieu de tant de cadavres, pâle de la mort qui l'attend, le maître du feu l'avait fait passer, emportée par les ondes et par l'Iapyx; et en face, le Nil, son grand corps abattu de douleur, déployant les plis de sa robe et appelant dans son giron azuré, dans les cachettes de ses canaux, les vaincus. Virgile, Énéïde, traduction de Jacques Perret.
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Assez longtemps le père des dieux a fait tomber sur la terre la neige et la grêle funeste; assez longtemps, de sa main étincelante, frappant les temples sacrés, il a rempli Rome de terreur. Il a fait craindre aux nations le retour de ce siècle désastreux, où Pyrrha, déplorant des prodiges inconnus, vit Protée chasser devant lui ses troupeaux sur le sommet des montagnes, les poissons se suspendre au faîte des ormes, demeure habituelle de la colombe, et les daims épouvantés nager sur l'onde envahissante. Nous avons vu le Tibre, ramenant avec violence du rivage étrusque ses flots jaunissants, aller renverser le tombeau du roi Numa, le temple de Vesta, et, se proclamant ainsi le vengeur d'Ilia, son épouse désolée, répandre sur sa rive gauche ses flots déchaînés sous la volonté de Jupiter. Ils apprendront que nos citoyens ont aiguisé contre eux-mêmes le fer qui devait frapper le Perse redoutable; ils apprendront nos guerres parricides, ces jeunes Romains trop peu nombreux, grâce aux fureurs de leurs pères. Quel dieu le peuple invoquera-t-il au secours de cet empire qui s'écroule? de quelle prière nos vierges saintes fatigueront-elles Vesta, sourde à leurs plaintes? qui chargeras-tu, Jupiter, d'expier nos crimes ? Viens,nous t'en supplions, Apollon, dieu des augures ; voile d'un nuage tes blanches épaules ! ou toi; si tu le préfères, riante Vénus, autour de qui voltigent les Jeux et l'Amour! Ou toi-même, père des Romains, si tu veux jeter encore un regard sur ce peuple, sur tes enfants oubliés, si nos longues fureurs t'ont rassasié, terrible Mars, toi que réjouissent le bruit des armes, l'éclat des casques, ou l'aspect du guerrier maure mesurant d'un regard enflammé son ennemi sanglant. Ou plutôt, dieu aux ailes rapides, fils de la bienfaisante Maïa, voudras-tu, quittant ta forme céleste pour les traits d'un jeune héros, être appelé parmi nous le vengeur de César? Diffère longtemps encore ton retour aux deux! prolonge avec joie ton séjour au sein du peuple de Quirinus ! et qu'un vent rapide ne t'emporte pas loin de nous, courroucé de nos fautes ! Préfère plutôt, au milieu de nous, de glorieux triomphes! Qu'il te soit doux d'être appelé ici le prince et le père de la patrie. Ne souffre pas que le coursier du Mède foule impunément la terre où règne César ! |
Plus tard, le philosophe Sénèque fera d'Auguste un bon exemple de l'indulgence dont chacun doit faire preuve à l'égard d'autrui :
Il séjournait en Gaule, quand on lui révéla que L. Cinna, homme d’un esprit peu ouvert, complotait contre lui : il connut tout, le lieu, l’heure, la nature de l’attentat : un complice avait parlé. Décidé à se venger, il convoqua ses amis en conseil. La nuit, il ne put dormir. Il fit appeler auprès de lui le seul Cinna, et renvoya tout le monde de sa chambre à coucher; puis il fit apporter une seconde chaise pour Cinna : « Je t’ai trouvé, Cinna, dans le camp de ceux qui luttaient contre moi ; tu n’es pas devenu, tu es né mon ennemi ; je t’ai pourtant sauvé la vie et je t’ai laissé tout mon patrimoine. Dans quel esprit agis-tu ainsi ? pour être toi-même empereur ? Bons dieux, le peuple romain est bien malheureux, si ma vie est le seul obstacle qui t’écarte du pouvoir souverain. Je te donne une deuxième fois la vie, Cinna ; je l’ai d’abord donnée à un ennemi ; je la donne maintenant à un conspirateur et à un parricide. Que ce jour marque le début de notre amitié ; luttons à qui gardera le mieux la parole donnée, de moi qui te donne la vie, ou de toi qui me la dois. » Dans la suite, il lui accorda spontanément le consulat, déplorant qu’il n’osât pas le lui demander. Il trouva en lui un ami très fidèle et fut son unique héritier. Désormais, personne ne complota contre lui. Sénèque, De la clémence, XVI (extraits) |
Parmi les auteurs français, Montaigne et Corneille reprendront cette image d'un monarche indulgent. Corneille écrit même une tragédie, en 1641, intitulée Cinna ou la Clémence d'Auguste.
source Gallica.bnf.fr
Le nom propre de Mécène est devenu un nom commun (c'est une antonomase). En français, un mécène est une personne qui donne de l'argent à des artistes pour les soutenir. |